Octobre 2024
Alors que l’on estime à 300 millions le nombre de personnes touchées par la dépression dans le monde, des stratégies complémentaires aux traitements actuels – antidépresseurs et psychothérapie essentiellement – sont à l’étude. Parmi elles, l’activité physique pourrait constituer une piste prometteuse, sous réserve de lever certaines barrières susceptibles de freiner son implémentation. Des cliniciens proposent un tour d’horizon des avantages et effets démontrés de l’activité physique dans la prise en charge de la dépression, des facteurs pouvant impacter l’engagement des patients et des cliniciens, et des stratégies à envisager pour que l’activité physique puisse prendre toute sa place dans les démarches thérapeutiques.
Une action protectrice sur les facteurs en amont
Les bénéfices de l’activité physique commenceraient bien en amont de la maladie : l’exercice physique pourrait en effet avoir un effet préventif, avec un risque réduit d’apparition future de la maladie chez ceux pratiquant régulièrement une activité. Et pour cause, l’activité physique agirait en amont sur des facteurs reconnus protecteurs vis-à-vis de la dépression : en protégeant la santé physique, en boostant le sentiment de confiance en soi, en favorisant les interactions sociales et en déclenchant la libération de neurotransmetteurs (endorphines, dopamine, sérotonine) améliorant l’humeur.
Une option thérapeutique à part entière
Une fois la maladie installée, certains essais cliniques ont démontré le potentiel thérapeutique de programmes d’activités prescrits aux patients atteints de dépression légère à sévère, avec des effets jugés plus ou moins importants selon les études, parfois similaires à ceux des antidépresseurs, et chez des populations présentant des formes de dépression résistante au traitement, ou pour lesquelles la prescription d’anti-dépresseurs n’est pas possible (femmes enceintes…). Certaines sociétés savantes incluent ainsi désormais l’activité physique comme option thérapeutique, soit en traitement de première ligne, soit en tant que thérapie complémentaire, dans la prise en charge de la dépression.
Des freins pour les patients et les cliniciens
Toutefois, ces recommandations théoriques se heurtent à des barrières sur le terrain. De l’avis des professionnels de santé de première ligne, inciter les patients souffrant de dépression à initier ou maintenir la pratique d’une activité physique est tout sauf aisé ! Des symptômes inhérents à la maladie (qui peuvent aussi constituer des effets secondaires des traitements) tels que la fatigue et le manque de motivation et d’énergie ressentis, entravent la capacité des patients à s’engager dans des activités physiques. Des barrières propres aux cliniciens sont également présentes, en particulier le manque de connaissances, de temps et de formation pour accompagner les patients à la mise en place d’un programme individualisé et adapté (en termes de types d’exercice, d’intensité, de fréquence et de contexte de pratique), faisant qu’ils se tournent en priorité vers des options thérapeutiques traditionnelles.
Représentations sociétales, empowerment et coopération
Les chercheurs proposent enfin plusieurs pistes pour outrepasser les freins s’opposant au déploiement de l’activité physique comme option thérapeutique en cas de dépression, qui vont bien au-delà de la simple volonté et implication des patients et des cliniciens :
- Modifier les représentations sociétales autour de l’activité physique et de la santé mentale, préalable indispensable devant être porté par les politiques de santé publique et de promotion de la santé ;
- Améliorer les connaissances des patients (littératie) sur les bienfaits de l’activité physique pour contrecarrer leurs symptômes (dont le manque de motivation et la fatigue ressentis) afin de les aider à désenclencher le cercle vicieux de la maladie ;
- Accompagner et impliquer les patients dans la construction d’un programme d’activités adapté à leur situation et environnement de vie, mais aussi à leurs envies, pour favoriser l’adhésion et la réussite (théorie de l’« empowerment ») ;
- Instaurer dialogue et coopération entre les médecins de première ligne et les autres professionnels de santé dont la pratique touche à l’activité physique (kinés, ergothérapeutes…) et les professionnels du secteur du sport tels que les entraîneurs et coachs sportifs, pour rendre l’activité physique plus accessible aux patients souffrant de dépression ;
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Enfin – et sans que cela ne constitue une solution universelle –, mettre à profit certaines technologies numériques (ex. applications mobiles…) afin de réduire la charge qui pèse sur les cliniciens et faciliter le déploiement de programmes d’activité physique et le suivi et l’accompagnement des patients en la matière.
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